dimanche 21 octobre 2007

L'europe de demain

Répondant à une journaliste de l'express (http://www.lexpress.fr/info/quotidien/actu.asp?id=14846), Noëlle Lenoir, ancienne ministre déléguée aux Affaires européennes et présidente du Cercle des Européens reconnaît "Si l'on vit, notamment en France, l’Europe au quotidien, il n’y a pas ce que j’appelle d'affectio societatis. Pour l’obtenir, il faudrait soit un vrai gouvernement politique européen, qui n’est pas pour demain, soit que les gens aient le sentiment que l’Europe les aide à se défendre face à la mondialisation et à la compétition internationale. C’est du ressort de la responsabilité des dirigeants de dire la vérité. Comment, sans gouvernance lisible pour les citoyens, remédier à des décisions prises à Bruxelles et appliquées au niveau des Etats? C’est un problème de discours politique, de démocratisation du débat sur l’Europe. Je reste modérément optimiste: les citoyens ont intégré l’Europe, mais ils ont besoin qu’elle apparaisse comme autre chose qu’une bureaucratie. Le volontarisme politique est payant, les dirigeants doivent prendre le débat en mains."

beaucoup de choses ont changé...

Nos espoirs restent néanmoins décus et je crains que cela ne s'arrange pas.

A Lisbonne, le Président Sarkosy a répété qu'il ne voulait pas consulter les Français sur le nouveau traité et, s'agissant du contenu, prétendu sans sourciller que "ça n'est pas la Constitution, ça n'est pas le traité de la Convention, c'est le résultat d'un consensus de toutes les forces politiques y compris de ceux qui avaient voté non".

Tout sourire, il a qualifié ainsi l'accord intervenu dans la nuit entre les gouvernements : « Les Vingt-sept sont tombés d'accord sur un traité simplifié (…) Nous avons trouvé des solutions à une Europe bloquée depuis maintenant dix ans et j'ai tenu la promesse que j'avais faite pendant la campagne présidentielle ».


Bien décidé à éviter tout débat sur le fond et sur la question du référendum, Nicolas Sarkozy n'a cessé de précipiter le calendrier de relance du processus institutionnel européen et a annoncé que la France serait « la première » à ratifier, dès avant Noël, au lendemain de la signature définitive du traité le 13 décembre prochain. Il faudra avant la ratification réunir préalablement le Parlement en Congrès pour réviser la Constitution française à l'heure actuelle incompatible avec le traité de Lisbonne !

Bravo !

A ce prix, et sous réserve que ce traité ne rencontre de nouvelles difficultés de ratification dans d'autres pays, son entrée en vigueur est prévue pour le 1er janvier 2009.

Sur l'identité des deux textes – traité constitutionnel rejeté et traité dit « réformateur » -, le Président Sarkozy y est allé "franco" :
« ça n'est pas la Constitution, ça n'est pas le traité de la Convention, c'est le résultat d'un consensus de toutes les forces politiques y compris de ceux qui avaient voté non »
Les « forces politiques » de gauche, de droite et d'ailleurs, qui ont animé la campagne du « non » apprécieront leur ralliement forcé au traité signé par Nicolas Sarkozy!

Nicolas Sarkozy a lancé, devant une presse mondiale dubitative : « oui c'est un traité simplifié : il n'y a quand même que 7 articles dans le traité simplifié »

C'est une mauvaise blague:
« ni mini », ni « simplifié » : le traité est plus long et plus compliqué encore que la Constitution européenne


En fait, le Président a une lecture toute personnelle de ce traité de Lisbonne qui compte quand même 250 pages.

Voici comment les juristes de Bruxelles ont réussi l'opération de camouflage :

ils ont démonté les 448 articles de la Constitution européenne, puis ils les ont intégrés dans les Traités actuels et, là est le tour de génie, ils ont redémonté le tout pour aboutir à un texte extrêmement complexe.

Celui-ci ajoute plus de 400 articles supplémentaires aux traités de Rome (1957) et de Maästricht (1992), la plupart identiques aux articles du Traité constitutionnel rejeté il y a deux ans, l'ensemble des traités européens en vigueur atteignant ainsi un volume de 2800 pages, selon le jurisconsulte du Conseil, M. Jean-Claude Piris.

Tous les observateurs un peu objectifs le jugent « indigeste», à l'instar du Professeur Christian Lequesne, (London School of Economics and Political Science) qui le qualifie d'« embrouillé » et même d'« usine à gaz».

En Espagne, en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Italie et en France pourtant, on semble ardemment souhaiter un référendum sur le nouveau traité.

Un sondage Louis Harris* publié jeudi par le Financial Times, révèle que 76% des Allemands, 75% des Britanniques, 72% des Italiens, 65% des Espagnols et 63% des Français souhaitent un référendum sur le traité remplaçant la Constitution européenne.

Des 27 pays de l'Union européenne, seule l'Irlande, qui y est tenue par sa Constitution, a prévu d'organiser un référendum, dont le résultat positif est d'ailleurs loin d'être assuré. Le même sondage indique que 61% des personnes interrogées admettent "ne pas être du tout familières" avec le contenu du traité, 34% disant l'être "plus ou moins". Et pour cause...

Une écrasante majorité d'Européens refuse l'entrée de la Turquie, laquelle est pourtant à la table des négociations d'adhésion à l'UE

Toute aussi révélatrice du fossé qui s'élargit entre les gouvernements auto-satisfaits devant les caméras hier à Lisbonne et les peuples européens dont ils tirent leur légitimité, cette étude d'opinion sur l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne : son adhésion est rejetée par 71% des Français et 66% des Allemands.

Le Président Nicolas Sarkozy a beau s'afficher triomphant au soir du sommet de Lisbonne, les Français comme la plupart des peuples européens ne semblent pas très en phase avec lui sur les limites orientales à donner l'Europe, ni très heureux d'apprendre qu'on évitera soigneusement de leur (re)demander leur avis sur cette "usine à gaz" juridique dont tout le monde a bien compris qu'il passait le "non" français par pertes et profits.

voir l'avis de Robert Badinter sur
http://www.ceuropeens.org/invites/detail-interviews.asp?arId=262

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