dimanche 1 novembre 2009

Autre époque

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Excellent éditorial de Jean-Claude Souléry dans La Dépeche

(j'attire l'attention sur le fait qu'il date de la mise en examen de Chirac, il y a 2 ans... instructif non !?)

Autre époque

Chirac rattrapé par la justice ! L'ancien Président mis en examen !


Dans un pays en proie au doute, où les uns se battent pour conserver les retraites promises, où les autres s'inquiètent de l'érosion de leur pouvoir d'achat, voilà une information qui, pour le moins, se trouve à mille lieues des préoccupations du plus grand nombre - presque une vieille histoire, tant il paraît depuis longtemps entendu que l'ancien chef du RPR et ancien maire de Paris n'ignorait rien de ces emplois fictifs pour lesquels déjà les plus hauts responsables du parti gaulliste, Alain Juppé au premier rang, avaient été condamnés par la justice.

C'était, dira-t-on, une autre époque. La grande machine politique - créée en 1976 à la dévotion de Jacques Chirac, organisée de main de maître par un certain Charles Pasqua, et qui nourrit de son lait des hommes de qualité comme Alain Juppé, Édouard Balladur, Nicolas Sarkozy, tous promis aux plus hautes fonctions -, cette moissonneuse-batteuse électorale avait besoin comme d'autres, et même plus que d'autres, d'une trésorerie à toute épreuve, alimentée par tous les moyens et parfois illégalement. Eu égard aux millions brassés durant ces années où on ne comptait pas, les quelques emplois fictifs qu'on reproche aujourd'hui à notre « ex » ressemblent, pardonnez-lui, à de la bibine. Mais la justice doit suivre son cours. Il n'en restait qu'un, on savait que c'était celui-là.

Est-ce qu'il faut ainsi solder les années chiraquiennes ? Voilà que les derniers barons de ce qui fut la Chiraquie ont à souffrir de la ténacité des juges - Juppé, c'est fait, il a payé ; Villepin se dépatouille dans la glu de Clearstream ; et Pasqua répond d'une affaire de gros sous pour une très ancienne campagne. Étonnant retournement de la petite histoire, lorsqu'on sait qu'un des enfants de cette même Chiraquie - un enfant renégat mais qui lui doit tellement - est aujourd'hui au sommet de l'État, qu'il veut tout régir en tout lieu, et se prononce invariablement pour qu'à chaque fait-divers les coupables soient punis ! En l'occurrence, osera-t-il ?

Jacques Chirac - quelle qu'ait été la belle collection de casseroles que lui prête la rumeur, et quoi que puisse en dire la Justice - n'a tout de même pas été le premier des bandits de l'histoire, ni commis plus de méfaits que bien des souverains, empereurs et chefs d'État qui l'ont précédé à la tête du pays ! Il est toutefois le seul ancien Président de la République poursuivi ainsi par la loi, pour des faits certes délictueux - mais dont la gravité ne mérite tout de même pas qu'on l'accable plus que de raison.

Toujours navrant de hurler avec les chiens.

En définitive, s'il est reconnu coupable, notre Chirac aura surtout payé son dû au changement d'époque. Autrefois, la satire, le pamphlet, les chansonniers pouvaient égratigner l'honneur d'un homme politique - qu'importe ! l'électeur, peu regardant, éduqué par des décennies d'instruction civique, lui vouait un certain respect « républicain ».

Désormais, le Président, tout comme l'élu de base, est un individu qui doit à tout moment avouer sa fortune, démontrer son intégrité, qui expose sa vie privée, éventuellement ses écarts, se soucie de posture, bref il doit répondre de sa moralité présente ou passée plus encore que de ses idées politiques ! Le voilà en permanence sous le double éclairage des médias et de la justice. On ne passe plus l'éponge. C'est mieux ? Peut-être…


Publié le 22/11/2007 09:15
L'éditorial de Jean-Claude Souléry.
La Dépêche

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